Film Documentaire:
Madagascar regorge des trésors naturels exceptionnels. Près de 80 % de la faune et de la flore présentes dans la Grande île sont endémiques. Actuellement, sa biodiversité est largement menacée par les activités anthropiques. Conscient de l’importance de la nature, des jeunes issus de la communauté locale s’engagent et sont prêts à sacrifier leur vie pour lutter contre les exploitations illicites des ressources naturelles.

Fabien Rafaralahy s’est engagé dès son plus jeune âge à protéger l’environnement. Il habite à Ampatsy Ampangabe à 45 km de Fianarantsoa. Son village est un endroit riche en faune et flore. La commune possède une forêt sacrée appelé Varona, un endroit où se trouve de nombreuses plantes médicinales. C’est là que les gens cueillaient des plantes en guise de médicament quand il n’y avait pas encore de médecin ni de pharmacie. Ses parents l’ont éduqué en le faisant prendre conscience très tôt de l’importance de la conservation de la biodiversité. Il a commencé son action de préservation des ressources naturelles à sensibiliser ses amis de sauvegarder la forêt. A l’âge de 18 ans, il était élu secrétaire de la communauté de base (COBA) Mitsinjo. De 2001 au 2024, il a pu reboiser 8 hectares de terrains. En 2012, en reconnaissance de ses efforts, certains membres de la communauté proposaient Fabien pour être candidat à l’élection de président de la COBA Mitsinjo. Fabien était élu face à l’ancien président. Il dirige l’association jusqu‘à maintenant. La COBA Mitsinjo gère la partie de l’aire protégée Corridor Forestier Ambositra Vondrozo (COFAV) dans la commune d’Ampangabe, district de Lalangiana, région Haute Matsiatra.

Le Président de COBA est tenu de faire un rapport de patrouille, notamment l’exploitation illicite de produits forestiers, collecte des animaux ou plantes sans autorisation, auprès de gestionnaire du Corridor et de la direction des eaux et forêt. Son engagement a été une source de motivation au sein des communautés et a conduit son équipe et lui à la victoire. Il a le courage de dénoncer les chefs des exploitants illicites des bois précieux à Ampangabe. En décembre 2022, « voici ce que nous avons vécu: Nous sommes en train de faire une patrouille. Tout d’un coup, nous avons vu des personnes qui transportent des bois. Nous les avons suivi de près. Nous avons vu un véhicule 4X4 avec une plaque rouge contenant de bois », raconte Fabien. Il avait fait immédiatement un compte rendu à la direction des eaux et forêt, en envoyant les photos des infracteurs. L’affaire est portée devant la justice. Des personnes ont été arrêtées. «Le grand problème consiste à faire face au réseau des exploitants forestiers illégaux mais il faut de l’audace et de la volonté si on veut remporter la victoire. Nous pensons que nous avons vaincus Goliath. Les infracteurs ont reconnus ses erreurs. Il faut démanteler le plus grand réseau des infracteurs et les petits infracteurs ne commettent plus la même erreur. S’ils sont osés s’attaquer à celui-là, qu’en-est-il de nous, et ils se taisent », a dit Fabien Rafaralahy partageant les bonnes pratiques de la COBA Mitsinjo en faveur de la conservation de la biodiversité. Après cette affaire, Fabien et son équipe ont subi des menaces et ils ont dû changer la couleur de ses motos. Mais ils ont le courage de continuer le combat. Il a également souligné que, après l’arrestation des grands patrons de l’exploitation illicite de bois précieux, les pressions qui pèsent sur la partie du COFAV dans la commune Ampangabe ont diminué. L’année 2024, le Président de la COBA Mitsinjo fête ses 46 ans.

A Miarinarivo, 56 km d’Ambalavao Fianarantsoa, il existe également des jeunes prêts à s’investir pour la protection de la biodiversité. C’est le cas des trois jeunes patrouilleurs de la COBA Ambohibalo Miray (AMI) : Njakatiana Jean Richard, jeune homme de 23 ans, Fanomezantsoa Andriamanantiana, jeune homme de 33 et Pierrette Nomenjanahary, jeune femme de 22 ans se sont porté volontaire de devenir patrouilleurs. Leur travail consiste à contrôler les usages illicites des produits forestiers, à faire le suivi de la santé de la faune et de la flore et à sensibiliser les communautés locales, surtout les personnes qui vivent dans et autour de la forêt à l’importance de la biodiversité. Chaque mois, ils inspectent la forêt pendant 4 jours consécutifs. Ils se déplacent à pied pendant 6 à 8 heures par jour. Gravir la montagne, traverser des chemins épineux, dormir dans la forêt font partie des épreuves auxquels les trois jeunes patrouilleurs font face. En plus, ce sont eux qui prennent en charge leur nourriture pendant la patrouille. Il est à noter qu’ils reçoivent des indemnités de 10.000 Ariary par jour. Malheureusement, le paiement de ces indemnités est en retard. Ici nous ne recevons pas de salaire mais nous sommes conscients que la COBA a besoin de nous. Nous engageons à contribuer à la protection de la forêt. Le problème est que je perds du temps pendant 4 jours. Avec une indemnité de 10.000 Ariary, je constate que c’est insuffisant si on examine le travail effectué. Notre travail est très dur. Nous traversons des épreuves difficiles : gravir la montagne, traverser des chemins épineux et parfois nous nous sommes blessés. Nous connaissons les problèmes dans cette forêt, il y a des arbres de toutes sortes qui barrent notre chemin. Il y a des montées et descentes. Tout cela est très difficile », explique Njakatiana Jean Rcihard. Pierrette Nomenjanahary a également indiqué que les patrouilleurs reçoivent de menaces. « Notre travail consiste à sensibiliser les gens mais ils n’apprécient pas car nous les interdisons dans ce qu’ils veulent faire. Nous les sensibilisons en disant: il ne faut pas défricher la forêt. Et ils nous répondent : De quoi vivrons-nous ici dans la forêt si nous n’exploitons pas ? », a-t-elle ajouté.

Par ailleurs, travailler pendant la saison de pluie est l’un des moments le plus difficile pour eux. « La principale raison qui m’a poussé à protéger la forêt : j’ai réfléchis que la vie de l’homme est indissociable de la nature. Nous, les paysans, les agriculteurs, utilisons beaucoup d’eau dans les cultures, et la forêt attire la pluie. Elle est aussi considérée comme un grand réservoir d’eau qui nous permet de cultiver », confie Fanomezantsoa Andriamanantena. En plus d’être garde forestier, il est aussi un paysan formateur. « Je sensibilise les gens à pratiquer les techniques agricoles durables. On nous a donné des formations sur les techniques de culture d’haricot, de riz. Je transmets toutes ces techniques à tous les membres », a-t-il dit.

Les gardiens forestiers effectuent un rapport auprès du président de l’association après chaque patrouille. Et c’est le Président de la COBA qui fait un compte rendu de tout ce qui s’est passé pendant la patrouille à la Conservation International (CI), gestionnaire de l’Aire protégée COFAV et à la Direction régionale de l’environnement et du développement durable (DREDD). Ces dernières prennent également une décision commune sur l’infraction constatée par les patrouilleurs. C’est l’officier de police judiciaire qui mène l’enquête et porte l’affaire auprès du tribunal.
Malgré les épreuves auxquels ils font face, les efforts de Fabien Rafaralahy et les trois jeunes patrouilleurs ont porté leur fruit, tels que la réduction de pression, le changement de comportement de la communauté locale et l’abondance en eau. « Le taux de déforestation dans le COFAV diminue suite à la prise de responsabilité de la COBA, à travers le système de patrouille. En 2018, le taux déforestation est de 3,4%. En 2023, il est réduit à 1,04 % », affirme Lovasoa Rakotomalala, Responsable Forestier de la Conservation International. 120 communautés de bases travaillent en étroite collaboration avec la CI dans la gestion du Corridor Forestier Ambositra Vondrozo. Avec une surface de 314.186 Ha, l’Aire protégée s’étend sur six (6) régions de Madagascar : Amoron’i Mania, Haute Matsiatra, Sud-Est, Ihorombe, Vatovavy et Fitovinany. Elle est classée dans la catégorie V ou Paysage Harmonieux Protégée (PHP). Elle abrite une riche en faune et en flore dont la plupart sont classées comme en danger critique d’extinction. Le Corridor est aussi le poumon et le château d’eau du centre-est et sud-est de Madagascar. Il assure ainsi l’approvisionnement en eau de la population. Les communautés de base sont les premiers remparts contre toutes les formes d’exploitation illicites de ressources naturelles et gardiens des biens communs. Ne devraient-ils pas être de plus en plus soutenus? Pourquoi ne pas recruter ces héros de la biodiversité au niveau local en tant que fonctionnaires ?
Lynda A.